Broderie et papier convergent grâce à l’artiste multidisciplinaire Véronique Buist. Son intérêt se porte essentiellement sur le paysage, au sens propre comme au figuré, et à son interprétation. Empreintes de poésie, ses œuvres nous font voyager à travers des formes parfois étonnantes et des couleurs, qui, tissées ensemble, nous racontent une histoire tout en relief.
«Si mon travail est majoritairement considéré comme abstrait, on peut toutefois retracer de nombreuses influences organiques et figuratives directement inspirées de la nature», confie celle qui travaille également en tant que fleuriste et cultive sa relation avec le végétal au quotidien. Ce n’est donc pas un hasard si plusieurs de ses séries entretiennent un lien étroit avec les éléments naturels et leurs variations.
La majorité des pièces qu’elle produit débute avec un fait, un événement qui la happe et la pousse à façonner une nouvelle représentation du sujet. Après avoir puisé dans son ressenti, la créatrice nous propose de plonger dans sa lecture personnelle du monde. «Je me plais à dire que je fais de la traduction de paysages et de concept», résume-t-elle.
Broderie intuitive
Lorsqu’elle termine son cursus à l’école des arts visuels et médiatiques de l’UQAM en 2010, Véronique Buist n’assume ni n’exploite son rôle d’artiste immédiatement. À cette période, elle ressent le besoin de se connecter à son intuition et de retourner à une création pour le plaisir et sans aucune attente. Ses pérégrinations créatives lui font éventuellement comprendre que l’art fait partie intégrante de son identité.
«Cette spontanéité m’est d’ailleurs apparue avec la broderie qui était, à ce moment-là, un simple passe-temps pour m’occuper la tête et les mains, se souvient Véronique. Depuis 2012, j’ai développé de façon autodidacte différentes façons d’exploiter les points de base traditionnellement utilisés sur tissu.»
Sa pratique prend un véritable tournant en 2018, avec la découverte de l’Atelier retailles, spécialisé en papiers créatifs et qui promeut l’expérimentation avec la matière. «Je cherchais alors à obtenir un papier qui était de la même teinte que mon fil à broder pour obtenir un ton sur ton parfait.» Finalement, elle y entreprend une résidence créative où elle apprend les rudiments de la fabrication du papier artisanal aux côtés de la fondatrice du projet, Sophie Pelletier-Voyer.
J’en suis venue à intégrer le papier comme un élément de création plutôt qu’un simple support.
Une évidence s’impose rapidement à elle: le papier détient désormais une place centrale dans son processus créatif. «Je suis devenue une espèce de “paper monster”, s’amuse l’artiste visuelle. En comprenant comment fabriquer le support, j’en suis venue à intégrer le papier comme un élément de création plutôt qu’un simple support. Et la majorité de mes œuvres sont maintenant produites sur du papier qui passe par l’Atelier retailles.»
Elle indique que la série «ton sur ton», où le papier est fabriqué uniquement à partir de son propre fil à broder, est l’une de ses séries phares. Toutefois, la créatrice continue d’explorer d’autres fibres et d’autres ajouts au papier.
«La série «paysagisme, les plans», créée au printemps dernier, est une série de jardins imaginaires avec de la gouache et broderie, ajoute-t-elle. Une autre série récente apparue en plein confinement est «roche-montagne», qui reprend l’idée du dessin d’observation de paysages et d’éléments naturels, ici transposé en broderie sur papier. C’est en quelque sorte une technique de dessin qui remplace le crayon par l’aiguille. Autrement, j’ai vraiment aimé concevoir l’installation «fight, flight, freeze, fawn (ou comment se montrer conciliant dans le but d’apaiser et de se protéger soi-même)» l’été dernier.»
Le papier et ses multiples possibilités
Cet été, l’artiste a également mis sur pied une installation in situ intitulée «fungi», en collaboration avec Sophie Pelletier-Voyer, pour l’exposition Aire de jeux au Livart. Il s’agissait de plusieurs petits papiers brodés sur socle à la manière de champignons. «La perspective de présenter des œuvres au mur sans encadrement, amovibles et interchangeables selon le lieu, ouvre une perspective sculpturale dans mon travail que je souhaite continuer à explorer», indique celle qui voit le potentiel du papier surpasser son format en deux dimensions.
Somme toute, à chaque nouvelle pièce, l’artiste tâche de décloisonner l’usage du papier, presque tout le temps considéré comme canevas de départ, comme base. «En fabriquant soi-même le papier à partir de la fibre, le papier devient oeuvre», souligne Véronique.
Cette année particulière a évidemment chamboulé les projets de l’artiste: sa participation à une exposition collective aux États-Unis a été annulée, les foires ont été reportées, sans parler des centres d’art fermés ou bien ralentis par les mesures sanitaires. Qu’à cela ne tienne, l’artiste a investi le développement de son site web, de sa boutique en ligne et continue de donner vie à ses nombreuses idées. L’amour du territoire et ses richesses semble continuer d’orner ses broderies inusitées. «Alors qu’habituellement j’applique aux appels de dossiers pour exposer avec des intentions de projets, je vais plutôt fonctionner à l’inverse en créant un corpus d’œuvres cohérent, à la recherche éventuellement d’un espace de diffusion où l’exposer.»
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